1 avril 2024

On n’est jamais « enseignant ». Mais toujours « enseignant de » – en l’occurrence d’une certaine discipline. Constat minimal dont on ne saurait déduire qu’aucun discours de portée générale à propos des enseignants n’est possible, mais qui invite à une première spécification : ici, il sera question des enseignants de Sciences Économiques et Sociales (SES), discipline de l’enseignement secondaire, seulement enseignée en filière générale du lycée. Une même indéfinition, évidemment volontaire de la part des concepteurs du dossier, affecte le terme de la « désorientation », notion suffisamment claire pour que les co-rédacteurs de la revue RessourSES fassent le lien avec une enquête achevée et un premier texte[1], mais aussi suffisamment floue pour qu’elle soit comprise de plusieurs manières. De là la nécessité d’une seconde spécification : de quelle « désorientation » sera-t-il question ?

Baptiste Bonnet
Doctorant en sociologie et économie au Clersé-CNRS

En première approche, on peut appréhender la désorientation dans le cadre d’un « régime d’enseignement », ici entendu comme tendance relativement cohérente et homogène de la pratique enseignante, sur une période donnée, quoique ce régime d’enseignement trouve des réalisations spécifiques selon les disciplines – et dans ce cas on préférera parler de régime disciplinaire. C’est par la description de ce régime disciplinaire contemporain, dont les contours sont relativement établis dès le milieu des années 90 (avec la série de programmes de quatrième génération) et qui n’auront de cesse de s’épaissir, qu’apparaîtra une première forme de désorientation, à la fois comme décalage par rapport à des repères fixés par le régime précédent et comme conséquence de la tendance propre au nouveau régime.

Mais en prenant acte de l’écart entre la caractérisation et la périodisation réelles de ce régime et les représentations les plus spontanées des enseignants à cet égard – ce que l’on appellera l’imaginaire enseignant –, on est amené à considérer une nouvelle forme de désorientation, conséquence du désajustement entre une certaine perception (imaginaire) de sa pratique et la pratique enseignante effective (réelle), telle que la caractérise le régime disciplinaire. En tolérant les inévitables approximations d’un tel exercice, on peut en effet considérer que l’imaginaire enseignant des SES est structuré autour d’une opposition binaire entre une première forme (ou modèle) de la discipline, associée pour le plus grand nombre à un âge d’or de la discipline, et une seconde forme (second modèle), ultérieure, le plus souvent perçue par les enseignants comme le résultat d’une « attaque » contre cet « esprit des SES », menée conjointement par une fraction minoritaire du corps enseignant bénéficiant de soutiens extérieurs, allant de l’inspection générale (IG) à des think tanks aux options libérales plus ou moins affirmées.

Il n’est pas question de dire de cet imaginaire majoritaire qu’il est « faux », mais plutôt qu’une part de l’histoire de la discipline lui échappe nécessairement. En tant qu’imaginaire, il reste un fait positif, c’est-à-dire bien réel, que l’on doit pouvoir expliquer et qui est lui-même moteur dans l’histoire de la discipline. En l’occurrence, il est le résultat d’un conflit, qui s’est prolongé au fil du temps sans toutefois que le corps enseignant ne prenne la mesure de sa transformation. C’est précisément la continuation même de ce conflit, entre deux conceptions adverses de la discipline, qui a donné l’impression d’une opposition strictement binaire, alors que le temps avait considérablement déplacé la première position attachée à « l’esprit des SES », au point de créer une troisième position dans le champ de la discipline. Cette troisième position, qui marque le progressif déplacement du premier modèle, justifie qu’on la nomme « nouvel esprit des SES ». Sur ce point terminologique, l’article de Jean-Yves Mas (2016) est particulièrement emblématique du décalage inconscient que l’on voudrait signaler : le « modèle » qu’il nomme pour sa part « Le nouvel esprit des SES » (qui donne son titre à l’article) est, dans l’ordre retenu ici, le deuxième modèle, que l’on associe fréquemment au « courant aixois » et à la figure d’Alain Beitone (dont la suite montrera pourquoi on l’a qualifié « d’esprit scientifique de la formation », moyennant un autre emprunt, celui-ci à Gaston Bachelard, référence importante de ce modèle), preuve qu’il n’y a donc bien, dans la lecture de Mas (qui symbolise parfaitement l’imaginaire collectif), que deux modèles adverses : d’un côté « l’esprit des SES », forme historique de la discipline, symbolisée (entre autres) par Pascal Combemale et continuée à travers l’Association des Professeur.e.s de SES (Apses), et en face « le nouvel esprit des SES », pris dans un rapport conflictuel. Mais, reprenant la tripartition du champ en trois modèles, où l’opposition principale se joue désormais entre le « nouvel esprit des SES » (cette fois troisième modèle, véritable héritier de « l’esprit des SES », premier modèle), et « l’esprit scientifique de la formation » (deuxième), on entrevoit l’impact positif (réel) de cet imaginaire collectif sur le nouveau régime disciplinaire : en consacrant une opposition qui se prétend immuable (premier contre deuxième) mais qui a en réalité varié (troisième contre deuxième), l’imaginaire dénie involontairement et inconsciemment les caractéristiques distinctives du premier modèle… tout en croyant le maintenir dans l’opposition.

Cette désorientation-là, comme mécompréhension (relative et ayant sa rationalité) des lignes de clivages actuelles de la discipline, faut-il la mettre sur le même pied d’analyse que la première, comme désajustement propre au régime d’enseignement contemporain ? La question se pose car la désorientation comme mécompréhension est presque toujours inconsciente, alors que la désorientation comme désajustement, comme désaffection, est vécue de manière consciente, du moins pour les enseignants qui n’épousent pas la tendance du régime contemporain. Question légitime très difficile, qu’on ne saurait traiter ici et qu’on laissera par conséquent de côté. On dira seulement : d’abord, qu’il ne faut pas négliger que l’origine des mal-être est fréquemment inconsciente, mais immédiatement après, que l’essentiel de ce qui ressort de l’enquête que j’ai menée relève du second cas, et ce par construction puisqu’il s’agit d’une enquête par entretiens, qui repose donc sur la parole enseignante et par conséquent sur ce qui affleure à leur perception consciente.

L’essentiel d’une analyse traitant de la désorientation des enseignants de SES doit donc avant tout s’attacher à la description réelle et concrète du régime disciplinaire contemporain. Sans préjuger d’emblée qu’elle soit cause d’une hypothétique désorientation, il faudra s’intéresser à ce qui est certainement le trait majeur du régime contemporain : la dépolitisation. Elle sera abordée d’abord dans son lien avec la « science » (section 1), puis dans son lien avec la concurrence (section 2). C’est à ce stade que pourra se poser la question de la désorientation, en rapportant le discours enseignant à ce régime, d’abord à travers une lecture explicite de ce discours et de ses imputations (section 3), ensuite à travers une lecture implicite qui suggérera un lien entre la désorientation enseignante et un trait supplémentaire de ce régime, la subordination (section 4).

La dépolitisation et la science

Au point de départ de cette enquête, il y a une intuition : l’histoire de la discipline et des programmes de SES est scindée en deux périodes, qui sont comme symétriques l’une de l’autre[2]. Dans les controverses entourant les multiples réformes des programmes de la discipline, plusieurs couples d’opposition ont varié conjointement – comme si ces couples étaient régulés et formaient des ensembles cohérents. Soit, donc, deux périodes, correspondant à deux cohérences opposées. Or ces oppositions séparées dessinent une tension constante, autour de l’opposition politique/science. En l’espèce, le régime contemporain est marqué par la dévalorisation du terme « politique » en même temps que par la valorisation du terme « science ».

Ce basculement est explicite au niveau (symbolique) de la nomination des contenus (des savoirs enseignés) : la première période des programmes est marquée par une claire volonté de pluralisme épistémologique, mais l’on y retrouve en place très favorable des savoirs généralement affiliés à l’hétérodoxie économique, souvent nommée « économie politique », tandis que la seconde période marque un net essor des contenus mainstream, ceux significativement ramassés sous l’étiquette « science économique ».

La forme pédagogique, dimension de l’enseignement a priori hétérogène aux contenus (en principe – clause importante – la nature des contenus ne présage pas de la pédagogie qui les met en œuvre, et réciproquement), est affectée d’une variation analogue. Le premier régime consacre ce qui passe à l’époque pour une grande nouveauté, à savoir la « pédagogie active », et met ainsi au cœur du travail réalisé en classe l’activité (intellectuelle) de l’élève, allant ainsi à l’encontre de la forme dominante de l’époque qu’est le cours magistral. Cette pédagogie active, largement normalisée depuis, dérivera progressivement en « cours dialogué », dont les critiques récurrentes viendront amender cette forme pédagogique, qualifiée « d’invisible » et par là discriminante pour les élèves les moins dotés scolairement (voir par exemple Deauvieau 2009, Terrail 2017, repris dans le cadre des SES par Beitone, notamment 2019). Cette variation de la dimension pédagogique inverse la prévalence des termes de l’opposition politique/science en ce que la pédagogie active avait initialement une charge politique : mettre l’élève en activité, c’était en effet rehausser sa position par rapport à celle de l’enseignant. Et de façon cohérente, la finalité de ce nouvel enseignement, dans sa formulation explicite, était intrinsèquement politique : favoriser l’autonomie intellectuelle de l’élève (« mai 68 » étant passé par là). En réaction à cette tendance, le régime contemporain condamne donc la pédagogie active, requalifiée pédagogie invisible, sans renier pour autant un élément de la forme initiale : le « travail sur documents », désormais largement généralisé dans le secondaire. Symbole du basculement de la logique politique à la logique scientifique, la critique de la forme pédagogique initiale procède non plus d’abord d’une grammaire politique, mais en vertu d’une justification scientifique (en tout cas qui se veut telle) : c’est parce qu’elle est inefficace que cette pédagogie doit être abandonnée (Beitone, 2013).

Si la pédagogie est davantage tournée vers l’élève, la didactique est centrée sur les savoirs et leur déclinaison. Or on retrouve sur cette nouvelle dimension un même mouvement simultané de « dépolitisation » et de « scientifisation » des programmes. Dans le régime disciplinaire historique des SES, les savoirs sont subordonnés aux objectifs propres de l’enseignement secondaire, qui est autonome par rapport à l’enseignement supérieur, redoublant ainsi des finalités pédagogiques déjà ouvertement politiques (en ce sens d’autonomisation, de l’élève pour la pédagogie, du secondaire pour la didactique). Faisant valoir la valence scientifique contre la valence politique, le régime disciplinaire contemporain inverse ce rapport entre enseignements secondaire et supérieur : les savoirs scientifiques ne sont plus subordonnés aux objectifs et méthodes intellectuelles du secondaire, ils deviennent la finalité même de la discipline. De manière technique quoique tout à fait emblématique, deux conceptions didactiques se répondent : le premier régime est conceptualisé rétrospectivement comme « transformation des savoirs » (Chatel, 1995), quand le second lui oppose la « transposition des savoirs » (Dollo, 2009), termes qui disent à nouveau parfaitement l’inversion du rapport Secondaire-Supérieur que règle la question proprement didactique.

Ce basculement des différentes dimensions du programme, d’une logique politique à une logique scientifique, peut s’analyser plus généralement depuis les finalités assignées à la discipline. À ce niveau (celui des finalités), l’histoire des SES est finalement celle d’une discipline résolument tournée vers l’élève et le secondaire, puis redirigée vers les savoirs et le supérieur. La finalité du régime disciplinaire historique visait en effet d’abord la vie citoyenne de l’élève via des connaissances immédiatement mobilisables et en cohérence avec leurs modalités d’acquisition (Combemale, 2008) ; le régime disciplinaire contemporain vise d’abord sa vie professionnelle, via la continuation des études supérieures elle-même conditionnée à l’acquisition des connaissances (la critique en retour de ce nouveau régime parle à cet égard de « propédeutique » du Supérieur). Ainsi la régulation d’ensemble de chaque régime apparait-elle : la bascule élève→savoirs, analogue à la bascule Secondaire→Supérieur, recoupe bien la bascule politique→science. Mais on comprend aussi incidemment que l’opposition politique/science se joue en réalité à deux niveaux : au sein de chaque dimension, comme on l’a rapidement suggéré, mais aussi entre les dimensions, puisque derrière la bascule élève→savoir, c’est finalement le rapport pédagogie-didactique qui se joue (et à cet égard, il est particulièrement significatif, quand bien même chaque camp a défini ses formes propres de pédagogie et de didactique, que le premier modèle ait traité bien davantage de pédagogie que de didactique, quand le second aura, symétriquement, très largement remplacé la pédagogie par la didactique) ; de même, derrière la bascule secondaire→supérieur, c’est le rapport entre les dimensions politique et scientifique du programme en tant que tel qui est en jeu. Or c’est bien l’articulation hiérarchique des dimensions entre elles qui les rend homogènes les unes aux autres, comme si l’une était en position d’imposer sa logique aux autres, assurant de cette manière l’homogénéité des dimensions, donc de chaque régime, et ainsi de chaque période.

La dépolitisation et la concurrence

Rien jusque-là dans le régime contemporain n’est susceptible d’être relié à la question initiale de la désorientation. On s’en rapprochera sérieusement en faisant valoir une nouvelle analogie, où science équivaut – dans ce cadre exclusivement – à concurrence. La concurrence est un trait décisif du régime contemporain, une fois de plus à deux niveaux. Premier niveau, restreint, qui est celui du régime disciplinaire : la concurrence en tant que contenu de la forme contemporaine des savoirs. La concrétisation de l’essor de la science économique, relativement à l’économie politique, se traduit directement par une modification des contenus d’enseignement, faisant en l’espèce une part conséquente, et ce de manière très prononcée depuis la dernière génération des programmes (2019), à la notion de « marché », avec son corollaire : « la concurrence ».

Mais c’est là l’expression la plus superficielle de la tendance du régime à la concurrence, en tout cas du point de vue de la pratique enseignante (pour les élèves, l’imprégnation des contenus n’est pas superficielle). Aucun hasard à nouveau à ce que le principe directeur des contenus enseignés soit dans le même temps le principe directeur du régime d’enseignement lui-même. Il faut temporairement quitter la question des programmes pour s’intéresser à la « réforme du lycée », concomitante à celle des programmes de SES (2019). Là cependant où les programmes ont connu une désapprobation largement majoritaire mais limitée (cette réforme n’a pas connu que des mécontents, et même les mécontents l’ont été avec une certaine modération), l’unanimité entourant la réforme du lycée a été frappante. Un motif de mécontentement récurrent soulevé durant l’enquête, bien qu’il n’ait pas été verbalisé comme tel, concerne directement la concurrence, effectivement érigée comme principe essentiel du rapport entre les disciplines du secondaire. Le passage d’une formule par filières (A, B, C, D, puis L, ES, S), relativement étanches et englobantes (englobant plusieurs disciplines, de fait solidaires au sein des filières), à une formule sélective, a inévitablement (et prévisiblement) induit une concurrence directe entre les disciplines : dans un contexte d’heures allouées souvent tendu au sein des établissements, le choix des élèves concernant les nouveaux « enseignements de spécialité » (dont font partie les SES) dès la Première, puis pour la Terminale, a conduit à une exacerbation de la concurrence inter-disciplinaire.

Cette concurrence s’est immanquablement répercutée dans les relations inter-personnelles, comme l’observe Barbara, enseignante trentenaire et démissionnaire de l’Éducation Nationale : « C’est pas une concurrence atténuée, c’est une concurrence tout court. […] On doit remplir nos spécialités pour avoir nos heures, sinon ils nous suppriment nos heures, donc maintenant c’est devenu de la drague d’aller chercher les élèves. Même (ici), y’en a c’est des scandales, ils font leur présentation de leur spécialité dans le dos des autres, pour attirer le maximum d’élèves ». La « drague » qu’évoque Barbara génère une conséquence supplémentaire, qui anime les discussions en salles de profs : l’inflation des notes, que les enseignants ont très rapidement intégrée comme une réponse à cette nouvelle donne institutionnelle, comme en témoigne Brigitte, enseignante en fin de carrière (désormais à la retraite) dans un lycée parisien : « Par exemple, parfois, il y a des écarts de moyenne entre notre discipline et les autres disciplines, et on se dit “oh là là ils vont tous prendre telle discipline parce que là ils ont 15 de moyenne, nous on a 10-12 de moyenne” ». Preuve de la force du régime d’enseignement sur les comportements individuels, l’intégration de cette logique par des enseignants a priori éloignés des préoccupations liées au volume de service (le nombre d’heures alloués à une discipline dans un établissement en fonction des effectifs), comme l’est Léo, à l’époque enseignant-stagiaire en banlieue parisienne : « C’est bizarre d’ailleurs, parce que en voyant ça de l’extérieur je pensais pas du tout que j’allais être comme ça, mais en étant impliqué dans ces logiques institutionnelles, voilà j’ai envie de défendre ma discipline… ».

Mais en réalité, cette concurrence inter-disciplinaire, par-là inter-individuelle, se double d’un niveau supplémentaire, dès lors que l’on considère la réforme de « Parcoursup », plateforme d’admission des élèves dans l’enseignement supérieur, cette fois davantage à destination des élèves, qui vient compléter la cohérence du régime d’enseignement en quelques années seulement, cohérence au vrai déjà bien réalisée, mais largement renforcée par cette séquence où, pour résumer, la concurrence aura été au cœur de trois réformes successives : dans le rapport inter-disciplinaire avec la réforme du lycée, dans le rapport des élèves avec le supérieur avec la réforme de Parcoursup, ainsi que dans les contenus d’enseignement pour le cas spécifique des SES.

Revenant aux SES, on signalera la percussion du régime disciplinaire des SES avec ce régime d’enseignement. Pour la discipline SES, la concurrence est tout particulièrement franche avec l’Histoire-Géographie (HG). On le comprend aisément : la concurrence est d’autant plus forte que les disciplines sont substantiellement « proches ». Mais il y a une raison plus profonde, qui tient justement à cette tendance très marquée du régime de SES qu’est la dépolitisation. Il faut ici préciser que la dépolitisation visait avant toute chose la dépolitisation de l’économie, advenue dans sa forme pure de « science économique ». Sauf que le compromis qui a permis cette dépolitisation de l’économie avait comme contrepartie tacite la création d’une place dédiée à « la politique ». Dans un premier mouvement, elle a été associée à la sociologie – constat valable pour les programmes (dans les années 2000) mais aussi dans l’ajustement de la pratique lui-même, comme l’observe pertinemment Carine, enseignante quarantenaire en Gironde : « je pense que ce serait plutôt une stratégie volontaire ou involontaire des enseignants, qui réinvestissent là où ils peuvent la dimension critique ». L’aboutissement de ce mouvement, c’est la création finale, avec la réforme de 2019, d’une section spécifique dans les programmes réservée à la « science politique ». Or « la politique », progressivement autonomisée comme une excroissance endogène du régime contemporain de SES – mais réintégrée dans la grammaire même de ce régime, car là encore subordonnée à la science –, va se trouver en porte-à-faux entre deux disciplines, avec la création d’un enseignement spécifique : l’Histoire-Géographie-Géopolitique-Sciences-Politiques (HGGSP). De disciplines sœurs dans la filière ES, SES et HG deviennent rivales, comme le note Boris, jeune titulaire dans les Bouches-du-Rhône : « Moi je le constate avec l’Histoire-Géographie, où on était avant la réforme plutôt solidaires […] Là maintenant, on est un peu… pas en opposition mais y’a un peu cette compétition pour certains projets professionnels et d’accès à des études supérieures, avec HGGSP ». Compétition feutrée dans certains cas, conflit ouvert dans d’autres : Carine raconte qu’une de ses collègues (de SES) est accusée par d’autres (d’HG) de « leur voler des heures », puis avoue que certains enseignants de son lycée « ne (lui) parlent plus… ».

La désaffection et ses projections

Sous le régime d’enseignement contemporain, la concurrence est la condition généralisée de toutes les disciplines, dans la mesure où toutes (ou presque) sont de près ou de loin concernées par les choix d’enseignement de spécialité. Dans cette mesure précisément, on peut conjecturer que cet aspect de l’expérience enseignante actuelle, dont il faut dire qu’il a été abondamment mentionné lors de tous les entretiens, est grossièrement généralisable à l’ensemble des disciplines enseignées dans le lycée général.

Du strict point de vue des SES, l’analyse des rapports inter-disciplinaires ne doit pas s’arrêter à l’essor de la concurrence. Un autre enjeu, qui travaille la discipline depuis son origine, a trait à sa normalisation – par rapport aux autres disciplines. Car l’acte de naissance des SES est – en tout cas se vit comme – un acte de subversion : son existence même ouvre la fameuse « troisième voie », au milieu des traditionnels parcours scientifique et littéraire, pour faire valoir la place des sciences sociales, ouvrant donc à de nouveaux contenus, tandis que sa forme pédagogique est en rupture avec l’existant, au même titre que son rapport (didactique) aux savoirs. Quoi qu’on en pense, cette originalité dans la structure d’ensemble de l’enseignement secondaire est très vite devenue un enjeu : de fierté pour certains, de danger pour d’autres. Les SES, par leur(s) objet(s) mais aussi par la rupture qu’elles constituaient, étaient sans doute vouées à rencontrer des remises en cause – sans pour autant surjouer leur charge critique, réelle mais possiblement surestimée rétrospectivement. Or il faut souligner que ces attaques extérieures se sont jouées au sein même du corps enseignant, à l’intérieur de la discipline. Il ne serait d’ailleurs pas faux de relire l’impulsion du « courant aixois », dont la figure la plus célèbre est Alain Beitone, comme une tentative (finalement réussie) de normaliser les SES, condition supposée de sa pérennité. La transposition plus directe des savoirs savants, la critique et finalement l’abandon de la forme pédagogique initiale, l’inversion des finalités : tout concourt, via la scientifisation, à la normalisation de la discipline – pour la stabiliser dans l’enseignement secondaire (du point de vue aixois). Pascal Combemale, figure centrale de « l’esprit des SES », c’est-à-dire de ce que l’on a nommé le premier régime, est lui-même tout à fait conscient de cette stratégie finalement défensive, quoiqu’il l’ait combattue. Or, du strict point de vue de la désorientation, il y aurait là matière à interroger les effets de cette normalisation. Un rapide élément de réponse, assis à nouveau sur les données de l’enquête : les affects de la mise au travail sont devenus majoritairement négatifs (peur d’être pris à défaut, de ne pas finir le programme, sensation globale de moins bien faire) et contrastent franchement avec les récits – certes toujours sujets à une possible idéalisation rétrospective – de l’effervescence des débuts d’une discipline nouvelle, et surtout novatrice. En ce sens, le régime disciplinaire contemporain sous-tend une désorientation assimilable à une forme d’appauvrissement.

Si la critique globale des contenus est assez répandue, la dénonciation explicite de la normalisation, de la dépolitisation, de « l’assagissement » de la discipline, est plus rare. Le cas le plus emblématique dans l’échantillon est celui d’Howard, cinquantenaire, enseignant dans la région bordelaise et militant à SUD Éducation : « le côté du dévoilement m’a toujours plu ; et de remise en question de ce qui va de soi, à travers la socio, l’anthropo, en particulier. […] Après maintenant je pense qu’elle est rentrée dans le rang, cette discipline. Alors peut-être même que Bourdieu aurait dit qu’elle a toujours été plus ou moins dans le rang […] Les SES c’est devenu comme les autres matières, de toute façon ». Fait encore plus rare, Howard, qui regrette d’avoir « un peu trop subi depuis 2010 », contourne là où il le peut les nouveaux programmes : pour « desserrer la contrainte du temps », revenir à l’objectif de prise de notes des élèves et passer du temps sur un objet traité de manière interdisciplinaire (il cite le cas de la plage, en seconde, cas d’étude autrefois récurrent). À titre de comparaison, la différence avec l’affiliation au SGEN semble significative (pour autant qu’elle puisse l’être avec un échantillon limité à une vingtaine d’individus, et à condition aussi de s’en tenir à l’adhésion au régime disciplinaire contemporain, car si l’on s’attache à décrire l’adhésion aux modèles, qui sont des pures formes idéelles, le deuxième modèle, qui est la base principielle du régime contemporain, a une assise sociologique beaucoup plus restreinte, et en l’espèce essentiellement géographique, dans la mesure où son ancrage historique est institutionnellement très lié à l’académie d’Aix-Marseille, et dans une moindre mesure de Lyon).

En résumé : dégradations généralisées et conscientisées des rapports inter-disciplinaires et en conséquence des rapports inter-personnels liés à la concurrence ; dépolitisation et normalisation de la discipline à l’origine d’un sentiment d’amputation des SES, ou à tout le moins d’altération de son identité, mais perceptible seulement pour les enseignants ayant connu (et regrettant) la première phase de la discipline, et à proportion de leur niveau de politisation. En conclusion : la désaffection vis-à-vis de la pratique globale de l’enseignement au lycée semble généralisée ; la désaffection propre à l’enseignement de SES semble majoritaire (seul un enseignant, Boris, proche de la mouvance aixoise qui a œuvré à la transformation de la discipline, se déclare pleinement satisfait et épanoui dans son travail), mais modulée par des facteurs générationnels (désaffection croissante avec l’ancienneté) et a fortiori politiques (désaffection croissante avec le niveau de politisation).

Le tableau toutefois serait incomplet si l’on ne mentionnait pas un élément récurrent souligné par l’enquête, qu’il faut rattacher à la dégradation générale des conditions d’enseignement, et que d’ailleurs l’intégralité des enseignants interrogés rattache à la réforme du lycée tout en ayant conscience qu’il s’agit d’une tendance longue (plus longue à cet égard que la concurrence liée à la seule réforme de 2019). Même Boris, satisfait de l’unique point de vue des SES, déplore cette détérioration, tandis que les enseignants plus âgés tiennent un discours encore plus sévère. En tête de liste, c’est la hausse des tâches professionnelles, liée à la hausse du nombre d’élèves, et plus récemment la hausse du nombre de groupes, donc de conseils, de réunions, d’épreuves en cours d’année, etc., qui est pointée – en même temps que l’on constate que la rémunération, elle, n’a pas connu la même évolution.

L’ensemble de ces éléments (dégradation des conditions et des rapports, puis localement dépolitisation et normalisation) peuvent être à bon droit mobilisés comme une première série de causes à la « désorientation » enseignante. De ce point de vue, la désorientation vient spécifier la désaffection, en tant qu’elle constitue un désajustement par rapport aux pratiques anciennes. Et de ce point de vue, la désorientation semble davantage adaptée pour décrire le désajustement engendré par la réforme globale du lycée que celui amorcé par le régime d’enseignement des seules SES.

Or c’est sur ce désajustement local, pourtant moindre, propre au régime actuel des SES, que vient se greffer un autre désajustement : comme désorientation à propos de la désorientation. Car ce qui est marquant, face à la condamnation malgré tout assez large des SES sous le régime disciplinaire contemporain (condamnation réelle, même si moindre et non unanime comme elle l’est pour le régime d’enseignement), c’est la conformité à ces programmes, du point de vue de la pratique. Cette désorientation-là, qui tient finalement à l’écart entre l’imaginaire (en désaccord) et la pratique (plutôt en conformité), est inconsciente, mais n’en est pas moins explicable. On a dit d’emblée en introduction que le régime disciplinaire contemporain était majoritairement condamné, mais que sa condamnation s’était déplacée dans le temps, discursivement. Et on sait maintenant sur quoi le déplacement effectif a eu lieu : sur la (dé)politisation de la discipline. Or il s’agit en réalité du même déplacement : ce que la discipline a « perdu » (on aura compris qu’il ne s’agit pas d’une pure perte, mais d’un changement), c’est sa dimension politique, et comme en miroir, l’imaginaire enseignant, bien que contestataire, s’est lui aussi dépolitisé, quoiqu’il ait conservé des traces discursives héritées de la période passée : exemplairement la « critique sociale » devenue « formation citoyenne », mais ce serait aussi vrai des autres formes, notamment la pédagogie et la didactique, dont les formes contemporaines ne sont plus justifiées dans un registre politique, mais strictement fonctionnel (« ça marche avec les élèves »). L’imaginaire enseignant tord la perception de l’évolution de la discipline, en ce qu’il donne l’illusion d’une opposition continuée, mais il n’en reste pas moins que cet imaginaire reste, lui aussi, soumis à la même dynamique que le régime réel. La dépolitisation effective de la discipline s’accompagne donc d’une dépolitisation discursive, qui explique sans doute l’absence globale de revendications politiques autres que défensives (le régime contemporain étant en effet vécu comme une « attaque » – contre les SES, ou contre le lycée). En particulier, la question plus radicalement politique de la subordination n’est presque jamais soulevée.

La subordination et ses possibles conclusions

Les rapports de subordination : c’est pourtant peut-être bien là que se situe une cause majeure de la désaffection enseignante. Outre la concurrence, généralisée à la plupart des disciplines, un motif récurrent de mécontentement est la soumission de toute pratique à l’objectif désormais omnipotent du baccalauréat – qui ne laisse de place à aucune autre activité, qui impose un rythme éprouvant, et qui dégrade de fait la relation pédagogique, en particulier évidemment avec les élèves les moins en phase avec les réquisits du lycée. Si beaucoup d’enseignants actuels regrettent cet état de fait, beaucoup signalent également qu’il n’en a pas toujours été ainsi : c’est assurément là un trait caractéristique du régime (d’enseignement en général, mais des SES tout particulièrement), à relier à deux formes de subordination.

La première a déjà été énoncée, notamment à travers la composante didactique, dont la forme exprime au fond le rapport du Secondaire au Supérieur. Concrètement, elle exprime la subordination des objectifs du Secondaire à ceux du Supérieur qui justifie désormais que tout, dans le Secondaire, soit investi à destination du baccalauréat. Cette subordination est complètement solidaire d’une seconde : la subordination au programme (dont il faut dire toutefois qu’elle dépasse la première, puisqu’elle est autonome, par exemple en ce qu’elle vaut également en Première et en Seconde, où pourtant l’objectif du bac est… secondaire). En dernière instance, c’est cette subordination aux programmes qui impose un rythme en classe trop soutenu, empêche la remédiation, interdit les libertés qu’on pouvait jadis s’octroyer (digressions, commentaires de l’actualité, etc.) et réduit la liberté pédagogique ; c’est cette subordination qui fait dire à Howard que le premier changement qu’il souhaite serait « d’enlever les programmes » ; c’est cette subordination incorporée qui symétriquement fait dire à une « chargée de mission » par l’inspection pédagogique régionale (IPR) que « le meilleur conseil (qu’elle pourrait) donner, c’est : le programme, rien que le programme ». Par ce dernier cas, vient s’ajouter une dernière forme de subordination, et non des moindres : la subordination à l’égard de la hiérarchie (essentiellement l’Inspection Générale, via les IPR). Si la norme de ce rapport (à l’inspection) est globalement assez lâche, les enseignants les plus expérimentés ont constaté une évolution : « jusqu’aux années 80, ou 90 on peut dire, l’inspecteur qui vient dans la classe pouvait admettre une large latitude dans l’interprétation des programmes, etc. ; je pense que ce n’est plus du tout le cas aujourd’hui » (Gérard Grosse).

Si cette dernière forme de subordination (à l’IG) n’apparaît pas comme un problème majeur aux yeux des enseignants, c’est pour la bonne raison que leur pratique est globalement conforme (au régime disciplinaire), ce qui a pour effet immédiat d’invisibiliser la subordination exercée par l’inspection. Elle devient néanmoins parfaitement visible lorsque la pratique est, d’une manière ou d’une autre, jugée déviante de la norme. On la voit par exemple à travers le cas de Léo, sur qui la force de la norme s’applique d’autant plus fermement qu’il était stagiaire au moment de son récit : « L’inspection c’est quand même le couperet, le truc qui tombe et qui stresse. Et comme je suis un peu… ben je suis un mauvais prof entre guillemets… Je suis repéré, je suis “mis en vigilance”. Tiens ça d’ailleurs je l’avais pas dit. Y’a eu un PAR, un plan d’accompagnement renforcé, qui vient étiqueter les profs qui travaillent mal en gros. […] Monsieur (l’inspecteur) […] un jour où on n’était pas du tout au courant qu’il allait venir […] il arrive avec sa liste de noms, et il dit devant tout le monde, “Monsieur X, vous êtes en PAR, Monsieur machin, aussi”… ».

Pour autant que les programmes, la pratique et l’imaginaire des SES, aient été dépolitisés au fil du temps, la politique ne s’est évidemment pas évaporée. Il est d’ailleurs partiellement faux de considérer que l’imaginaire enseignant s’est complètement dépolitisé. De ce point de vue également, la politique ne saurait disparaître : tout au plus est-elle réduite à un état implicite. Ce qui a disparu du discours, donc, c’est une pensée politique explicite. Mais ni la politique (réelle, dans la pratique), entendue comme transformation des rapports sociaux, ni sa représentation (imaginaire, dans le discours), n’ont disparu. Et pour finir je voudrais insister à nouveau sur la question de la subordination, qui est à mes yeux le trait politique majeur du régime contemporain (disciplinaire et d’enseignement), mais pour préciser qu’elle ne décrit pas seulement l’évolution des rapports (du Secondaire) au Supérieur, au programme, (des enseignants) à l’inspection, mais aussi le rapport pédagogique (enseignant/enseigné) – ce qui implique d’apercevoir que la subordination à l’œuvre dans ce rapport y est inversée, puisque c’est l’enseignant qui subordonne, expliquant sans doute qu’il constitue un angle mort récurrent du discours enseignant.

Il faut considérer la structure globale des rapports pour s’apercevoir de ce fait massif mais très souvent négligé que les élèves sont en fin de chaîne de subordination. Or que la subordination des étages supérieurs (programme, inspection) subordonne davantage les étages inférieurs, ce phénomène est bien connu – mais, et c’est bien là le problème, il est rarement poussé jusque dans ses conséquences. Dans le régime d’enseignement contemporain, la combinaison de la rigidité des programmes et de la concurrence inter-disciplinaire modifie le rapport pédagogique, rigoureusement compris comme rapport enseignant-élève : la tension est évidente entre le besoin des enseignants d’attirer les élèves, et la difficulté – selon la « réussite » du recrutement – à tenir les objectifs élevés imposés par le programme. Pour le dire clairement, il y a une tension entre le besoin quantitatif de recrutement et la dimension qualitative du recrutement. C’est cette tension, dont il ne faut pas manquer le caractère profondément malsain, que le régime d’enseignement contemporain vient porter à son plus haut point. Et ce d’autant plus qu’en bout de chaîne ce régime est venu exacerber la concurrence entre les élèves, condamnés dès leur arrivée à une hypersensibilité (parfaitement rationnelle) à toute sanction potentielle du corps enseignant ou administratif (sanction étant entendue au sens large, incluant la sanction du niveau scolaire). La dégradation du rapport pédagogique trouve là sa cause la plus profonde, dès lors que chaque interaction fait l’objet, pour l’élève comme pour l’enseignant, d’un enjeu supérieur à la simplicité que devrait supposer une relation pacifiée. Mais, tenir jusque dans ses ultimes conséquences le point de vue politique que l’on a adopté dès le départ interdit de symétriser intégralement les deux tenants du rapport pédagogique : à la fin des fins, la position de l’élève reste irrémédiablement une position dominée (où les enjeux revêtent une importance bien plus lourde).

Il y aurait alors à nouveau une réflexion à mener sur les conséquences qu’une telle position implique du point de vue des enseignants. N’y a-t-il pas, dans cette violence subie et répliquée, une autre cause très profonde de la désorientation enseignante ? Entre les objectifs officiellement poursuivis par « l’école républicaine » et la réalité des rapports qui s’y jouent, la dissonance n’est-elle pas de nature à créer une inévitable désorientation, et disons même une souffrance, que cette dissonance soit consciente ou non ? Toute analyse, sociologique et/ou politique, gagnerait en tout cas à partir de l’ambivalence de la position enseignante, qui est prise à la fois dans l’équivalent d’un rapport de travail, et dans un rapport pédagogique, rapports dans lesquels les liens de subordination sont inversés. Ce qui permettrait, sociologiquement, de voir comment ces rapports sont articulés et régulés, et forment une trajectoire tendanciellement homogène. Ce qui permettrait aussi, politiquement, de voir comment un rapport peut être enrôlé pour servir un autre, en l’occurrence comment le rapport passablement dégradé aux élèves est utilisé, certes au profit légitime de la cause enseignante dans le cadre de leur rapport de travail face à l’État, mais cependant contre les élèves dans le cadre du rapport pédagogique.

Notes

[1] Cet article mobilise une part des données récoltées dans le cadre d’une enquête de master, réalisée à l’EHESS (Sociologie générale) entre 2018 et 2021, qui a débouché sur la publication de ce mémoire : Corps et Esprit des SES. Esquisse pour une analyse régulationniste du corps enseignant et des programmes de Sciences Économiques et Sociales (2021). Je remercie les co-rédacteurs de la revue, d’une part de l’avoir lu, d’autre part d’y avoir vu un lien avec ce numéro.

Pour clarifier la lecture de l’article, n’ont été retenus que les éléments théoriques strictement nécessaires à la compréhension du développement. Cette soustraction crée d’inévitables lacunes théoriques, que l’encadré théorique a vocation à combler partiellement.

[2] Dans sa première facture (celle du mémoire de 2021), la dimension théorique peut être intégralement rapportée à la Théorie de la Régulation (TR). Ce rapprochement n’ayant pas la force de l’évidence, il importe de préciser qu’à cet égard, c’est le constat, l’intuition de la « régulation » qui est premier, et le recours à la TR qui est second – et non l’inverse. Cette précision faite, il reste évident que le rapprochement suppose une connaissance préalable, même partielle et sommaire, de la théorie en question – sans quoi l’intuition est impossible. En l’occurrence, ce rapprochement a été rendu possible par la fréquentation, simultanément à l’enquête, du séminaire « La Théorie de la Régulation en perspective » organisé – et toujours en place – à l’EHESS. Le passage de l’intuition à la théorie (de la Régulation) est abordé dans l’encadré théorique.

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